Il y avait un quelque chose

Des parfums, des parfums
Certains soulevant votre cœur
D'autres alléchants que l'on ramenait dans nos couffins
La populace du marché couvert
Aux mille épices et mille couleurs
Où est passé ce quelque chose
Evaporé dans l'air un jour d'orage
Ou enterré sous un tapis vert
Nos enfants n'ont pas connu
Pourtant il a existé ce quelque chose
En nous il reste une image qui ne fera jamais naufrage
Pour vous les jeunes mes histoires sont-elles saugrenues
Cependant c'est ce quelque chose 
Qui coule dans mes veines
Qui fait battre mon cœur et me fait sourire
Ce pays où je suis née m'a fait connaître les jardins d'Eden
Et aujourd'hui j'en respire encore le zéphyr
Et je n'oublie les petits cireurs et les baladins
Ce quelque chose précieux comme le diamant
Qui marchait à mes côtés dans les rues d'Alger
Qui marchait à mes côtés dans les rues de Maison Carrée
Je ne voyais que le soleil et les étoiles du firmament
Ce quelque chose je garde dans un coffret de velours
A aussi des images douloureuses
Des chansons d'amour et de troubadour
Ce quelque chose j'en suis toujours amoureuse

© SuzanneServeraRipoll
Comment Peindre Mon Pays

D'abord je dois tracer la côte au sable fin
Entre le Maroc et la Tunisie
Essayant de comprendre le langage
Des vagues bleues qui viennent y mourir
J'y ajouterai des cabanons aux couleurs lavées où l'amour
Et le respect de la famille n'a pas de frontières
Puis mon pinceau fera briller les routes bitumées
Sur lesquelles roulent des autobus bleus et verts
Menant un peuple joyeux vers les villages et les douars
Je dessinerai des lignes nettes pour les trolleybus allant sur Alger
Puis, j'ébaucherai des femmes en tailleur
D'autres sous le voile blanc lamé or ou argent
Faisant la rue Bab-Azoun, d'Isly ou Michelet
Je montrerai le sourire des petits cireurs sous les ficus du Square Bresson
Astiquant le soulier noir ou la babouche de cuir rouge
Le bâtiment du GG imposant et tout blanc
Maintenant mon pinceau se perd dans la campagne
Le vert tendre des jeunes pousses de vigne
Le violet des fruits de l'olivier
Sur un terrain gris et rocailleux
Plus loin, je ferai l'esquisse
De citrons lourds prêts à éclater
D'orangers le pied dans la terre noir humide
De figues jaunes à la peau crevassée et au goût de miel
De moutons à la laine épaisse, de chèvres blanches et noires
Une fantasia dans un bled perdu
Des coups de feu en l'air
Des youyous stridents
Des méchouis gigantesques
Et des centaines de plats de couscous
Des drapeaux tricolores tout neufs
En l'honneur du Général
Ma palette est sèche
Je ne peux continuer à peindre mon Algérie
Mais avec un peu d'imagination Vous compléterez le tableau

© Suzanne Servera Ripoll
A qui la liberté ?  Aux mouettes !

Liberté, liberté chérie
Aussi légère qu'une simple plume
Elle danse au dessus de l'herbe ondulante
Se croyant accrochée en toute sécurité dans le sable chaud
Libre, libre dans le vent qui vient de l'océan
La mouette à l'œil puissant est témoin
De la soif des dunes qui avalent la rosée du matin
Liberté, liberté chérie
Légère et fragile comme une mouette
Mais la mouette ne rêve pas de partir dans la lune
Sans crainte, elle voltige à grands battements d'ailes
Elle embrasse la côte, les dunes et les lentisques
Elle semble suivre le courant de l'océan
Sans le souci de la guerre que ce font les gens
Liberté, liberté chérie
La mouette connaît tout sur les marées et sur les saisons
Mais rien sur les hommes et leurs ambitions
Libre, libre dans tous les temps
Elle plonge la tête la première dans une vague
Pour une petite crevette ou une écaille argentée
Mais la mouette ne rêve pas de partir dans la lune
Liberté, liberté chérie
Si tu me donnais des ailes je braverais la tempête
Pas pour moi seule mais pour les autres
Les aider à prendre la beauté de chaque jour
Dans le vent soufflant, le sirocco ou la tramontane
Je leur montrerais les étoiles et la croix du Sud
Que la mouette dans sa totale liberté ne voit jamais
©SuzanneServeraRipoll
Ton Image Sur Mon Coeur

Les années passent sans se soucier
Des remous de mon cœur
Les années passent étés et glaciers
Ton image reste la même
Tes yeux sans maquillage
Réflecteurs d'amour, d'admiration
Tes mots avaient le son des mers, des coquillages
Tes mains la chaleur du sirocco
Tes idées belles et sauvages
Se berçaient de musique
Et miroitaient dans tous les rivages
Etais-je trop jeune et réfléchie
Ne voulant que l'eau d'une claire fontaine
Le seuil du futur j'ai franchi
Sur beaucoup d'horizons mon destin me bohème
Le passé, le présent, l'avenir, j'en fait des poèmes
Le secret des départs et des lendemains j'aime
Et ton image sur mon cœur reste la même

©SuzanneServeraRipoll
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Il suffit d'un grand Général

Sans mentionner képi et étoiles
Stature
Et un nez qui n'avait rein du modèle réduit
Un Général qui a fait plus de mal qu'un cannibale
Après la victoire de Charles X
Au temps du Gouverneur Mahon
Les émigrés arrivèrent et pas seulement les nobles
Mon ancêtre depuis les Baléares en felouque et sans pelisse
Sur cette terre promise, l'Algérie
Simon Servera comme tant d'autres, d'Espagne ou d'Italie défriche 
Avec sa famille, il sue et ne mange à sa faim
Au domaine Haouch Adda à Chéragas – nouvelle patrie
Une propriété de 4 hectares sans eau ni baraquement
Mais le cœur, la volonté et la force dans les bras
Aux innocents les mains pleines
Innocents ils étaient puisqu'ils travaillèrent 
Et inculquèrent le travail à leur progéniture
Ils leur apprirent aussi le patriotisme
Pour la France, pour la patrie, pour le tricolore
Donnez votre corps, donnez votre sang, donnez votre âme
Et c'est exactement ce qu'on fait les descendants
Liberté Egalité fraternité
Nous pourrions en rire mais hélas comment rire
D'une injustice envers Nous et envers les Indigènes
Et l'histoire se continue 1867/1962
Le glaive dans le cœur nous quittons le pays 
Par mer et par air pas en felouque
Nous partons vers de nouveaux horizons
Dans cette terre de labeur restent nos ancêtres
Qu'ils fussent de Santaňyi ou d'un coin d'Italie
Pour la gloire de leur souvenir
Nous travaillons sous un autre soleil
Mais prions de ne plus connaître un autre grand général

©SuzanneServeraRipoll
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