Temps connu et inconnu

Du temps de mon jeune temps
Quand j'avais moins de vingt ans
Mon enfance était belle
Pour moi et toute la ribambelle
À mes yeux innocents
Et un cœur frémissant
Les arbres étaient grands
Les champs de blé étaient vibrants
Parsemés de taches de sang
J'en faisais des bouquets
Pour moi, ces coquelicots étaient un banquet
Et les fleurs de jardin étaient encore plus belles
Quand je n'étais qu'une jeune demoiselle
Aujourd'hui, sur mes yeux, des lunettes
Mes souvenirs font des pirouettes
Les couleurs n'ont pas la même brillance
Les arbres, les champs n'ont plus la même abondance
Mon cœur est resté jeune, il est amoureux
D'un passé si heureux
Petit, je voudrais que tu aies connu
Mais le parfum de l'ombre, du soleil et de la mer te resteront inconnus

©SuzanneServeraRipoll
Une grande Dame

Une colombe, belle et blanche
Aux yeux d'un bleu immense
Bordés d'un trait de khôl
Son amour dans mon cœur reste une avalanche
Elégante d'éloquence et de patience
Fût-elle maudite dans un certain rôle ?
Pour moi, elle est éternité
Après moi, qui la connaîtra ?
Qui marchera ses rues étroites et sombres,
Où  les autres, larges, droites, par le soleil illuminées ?
Je la revois dans sa robe d'apparat
Puisque mon âme vit dans son ombre
Je jouis de la fraîcheur de ses eucalyptus
Le vent frémi à mes oreilles
Toute l'histoire de France
Les contes de Daudet et les romans de Camus
Je suis bercée par le mouvement de la mer et ses merveilles
Pourtant je m'étouffe dans le silence
Je vis heureuse dans la nostalgie
Dans les bras de cette grande Dame
Qui n'a pas perdu son sourire
Mais d'elle, nous n'avons rien lu dans l'astrologie !
Incomprise, elle fût une femme
Beaucoup ont envahi son empire
Des Turcs, des Romains, des Français
Pour le bien, pour le mal
Elle est, et reste l'Algérie
©SuzanneServeraRipoll
De quoi sont faits mes souvenirs

D'un parfum dans l'ombre d'un mur
Du picotement sur ma peau d'un rayon de soleil
Du murmure de la mer avec chaque vague
Ou d'un ensemble de choses qui me torture
Ou de rêves qui remplissent mon sommeil
Ou avec l'âge mon esprit qui divague
Non, mes souvenirs sont faits d'or
Que je tiens dans mon cœur et pas dans mes mains
Une richesse qui tranquillement guide mes pas
Se poursuivant d'aurore en aurore
De pays en pays et sur tous les chemins
Au fil des années sans besoin d'un compas
Je me laisse bercer par le souvenir
Des copains, des amis et de la famille
Que la plus grosse des tempêtes ne peut effacer
Puisqu'ils comblent mes plus chers désirs
Et sentent aussi bon que la vanille
Sans ces souvenirs ma vie serait angoissée
©SuzanneServeraRipoll
Comprendre

Oui pour comprendre, il faut être de là-bas !
Là-bas ! C'est où demande l'enfant
Mon petit, là-bas c'est où il pleut des sauterelles
Qui ravagent les récoltes et les remplacent avec des pleurs
Là-bas ton arrière grand-père faisait pousser le tabac
Il suait le burnous mais était toujours triomphant
Là-bas, le tam-tam couvrait le chant des tourterelles
Et l'amour faisait pousser les plus belles fleurs
Petit, l'Algérie c'est mon pays, c'est tes racines, c'est là-bas
La mer et le ciel se confondaient, le chasseur avait pitié du faon
Les filles et leurs mamans étaient toutes belles
Là-bas, les maisons étaient si blanches que ça faisait mal aux yeux
Oui pour comprendre, il faut être de là-bas
Peux-tu lire dans mon cœur, mon enfant ?
Peux-tu voir la beauté de ces djebels ?
A travers mon souvenir, ressens-tu la douleur, la frayeur ?
Avec les années, j'ai abandonné le combat
Cependant, j'ai une mémoire d'éléphant
Et des souvenirs aussi doux que les gazelles
Je ne pleure plus, je garde la larme à l'œil
Et c'est la larme à l'œil
Que tu me mettras dans le cercueil
Ce jour là, enfant, tu comprendras
Ce qu'était pour moi, Là-bas !
©SuzanneServeraRipoll
Mon Pays vu du Ciel

Ma vue se brouille, mon cœur chavire
Sans traverser la mer, je suis sur un navire
Sous les étoiles filantes
Sous le soleil brûlant, il chante, je chante
Ses palmiers verdoyants
Gendarmant des immeubles attrayants
Ses rues longues et droites
Ses impasses étroites
Son port, Le Ville d'Alger et le Kairouan
Me voilà parti et pas forcément pour Saint-Ouen
Des valises et des larmes pour les alourdir
Sans vue du futur et sans maudire
Une vie à reconstruire, des ancêtres à respecter
Des enfants à éduquer dans une différente société
Derrière moi le pays chante
Les années passent et son souvenir me hante
Dans ce ciel d'Algérie mille oiseaux paillent
Mon pays n'est plus qu'un trône de paille
Des images qui s'entrelacent
Son absence sur mon cœur laisse une crevasse
Rancune ne sert à rien
La mort survenue pour certains n'a effacé le lien
Un lien d'amour pour ce pays qui chante
Le jour et la nuit et chaque saison changeante
Me berce et me transporte
Au clair de la lune ouvre-moi ta porte
Google traverse mon sommeil
J'applaudie mon pays vu du ciel

©SuzanneServeraRipoll
Les frangipaniers

A mon réveil
Mon premier regard est pour mon jardin
Ce matin, je suis frappée par la mine malheureuse
Des deux frangipaniers
Ils annoncent l'hiver avec un certain dédain
Ils me montrent une mine fâcheuse
Leur parfum fin comme l'ambre
Se meurt dans les bras de l'automne
Laissant leur fragrance sur les murs de ma chambre
Leurs membres tendus, ils semblent faire l'aumône
Juin, Juillet, août, le soleil a la tête à l'envers
Malgré la terre encore chaude
Les frangipaniers ont perdus, élégance et beauté
Montrant une nudité passagère
Triste sera l'aube
Sans leur couleur et leur gaîté
Jusqu'au prochain glorieux matin, à mon réveil
De leurs robes fleuries
Mes yeux seront attendris

©SuzanneServeraRipoll
Femme

Une enfant insouciante
Chapeau de paille
Jupons de dentelle
Sur une balançoire 
Du matin jusqu'au soir

Une jeune fille resplendissante
Un sourire vénusté
Des lèvres vermeilles
Un regard profond comme le ciel
Des cheveux chauds comme le soleil

Une femme élégante
Un cœur rempli d'ivresse
Un baiser fidèle
Une promesse éternelle

Une femme  Une amante  Une mère
Une vie soumise
Une vie sans chimères 
Une rose sur le cœur


©SuzanneServeraRipoll
Illusion

Tilleuls et floraison calmante
Dans mon pays et celui d'autrui
Tes parfums et tes souvenirs m'enchantent
Tes chants langoureux restent dans l'air aujourd'hui
J'entends les montagnes qui pleurent
Encore, encore et encore et la mer les englouti
Et toutes les fleurs se meurent
Pour la richesse d'un passé anéanti
Nuit après nuit, le soir ou dans le noir
Tout reste à l'imagination
Combien comme moi peuvent t'entrevoir
Cependant à la lumière du jour tout redevient illusion

©SuzanneServeraRipoll
Autant En Emporte Le Vent

Si la magie du désert
Avait pu retenir ma jeunesse
A ton sein désaltère
Sous l'ombre des saules anciens, sur ma joue ta caresse
Les bonnes et les mauvaises paroles s'envolent dans le vent
Et ton image reste imprégner sur mon cœur
Douce enfance, doux moments qui restent captivant
Tes campagnes mouillées de sueur
Mes ancêtres et les tiens sans peur du labeur
D'aucune montagne, d'aucun marécage
Sans tenir compte des heures
Sortirent le pays du Moyen-âge
Les années s'écoulent dans le flot du temps
Des automnes et des feuilles mortes
Nos souvenirs font fleurir les printemps
Et autant le vent en emporte


©SuzanneServeraRipoll
Mes poèmes 7