Non, ce n'est pas de la nostalgie

Mes écrits sont sur mon pays, l'Algérie
L'Algérie de la France, l'Algérie d'antan
Nostalgie, non.  Seulement des mots un peu tristes
Ne pleurez-vous pas 
Quand vous êtes loin de ceux que vous aimez
Je ne veux pas gaspiller les souvenirs de mon Algérie
Dans la lumière de la nuit
Que je sois assise sous les étoiles ou devant un feu de bois
Je tiens la clef du passé, d'un passé heureux
Au silence passionnant ou aux sons mélodieux
Trahison serait de ma part de ne plus parler de l'Algérie
La plage de Dellys et mon premier bain
Yakouren, mes vacances à cueillir des cyclamens
La Régahïa, la noria et la ferme de mon oncle Emmanuel
L'Arba, la ferme Flamand, la galette chaude et l'huile d'olive
Le tadjine, le couscous, le beurre rance, c'était mon Algérie
Les you-yous, les femmes en blanc et le haïk et le soleil ardent
La rentrée des classes en septembre, l'école Laverdet et ses escaliers
Le Jardin d'Essai, El-Biar, Hydra et les trolleys bus
La piscine de l'Amirauté, la rue d'Isly et la Baie aux flots bleus
Sans quitter ma chaise, je voyage dans mon pays, l'Algérie
Non, ce n'est pas de la nostalgie, quoi que vous en disiez
Nostalgique, oui, pour ce que vous ne trouvez plus
J'écoute le vent dans les eucalyptus et son frémissement dans les palmiers
Je respire le parfum des fleurs, je prête attention à certains bruits 
Et les portes s'ouvrent, je suis dans mon pays, mon Algérie
Croyez-moi, c'est de l'amour pas de la nostalgie
©SuzanneServeraRipoll
Mon âme, Qui es-tu ?
Une vieille âme qui n'a jamais oublié ses origines
Qui a voyagé sur des océans houleux
Sans le souci de sonner les matines
Dans des horizons bleus ou nébuleux
Une âme au cœur aimant
Faisant face à des rochers muets
Fièrement ou rageusement
Aimablement réalisant ses souhaits 
Attendant un nouveau jour et la paix dans la lumière de la lune
Ici bas sur la planète des vivants
Où je trouve le soleil embellissant les lacunes
Où le temps passe et avec le sourire je vais de l'avant
Suis-je comme toi ?  Comme tu as été dans le temps passé ?
Je ne sais pour sûr qui je suis !  Une âme perdue ?
Ou suis-je si jeune, naïve et facilement blessée ?
Les fleurs, les fruits, les parfums pour moi confondus
Obstinément, amoureusement, inlassablement
Cherchant à retrouver ce qui a disparu
Chacun de mes rêves hantés  un moment
Le chapeau de paille, l'âne, la charrue
Des dunes et des roses de sable
Des chameaux et un marché à moutons
Un pays chaud à la beauté du diable
Un prophète descendant de la montagne avec son bâton
Tam-tam,  yous-yous, guitare et piano
Est-ce cela âme de mon passé que tu as connu ?
Sur une terrasse ombragée jouais-tu au domino ?
Chaque rayon de soleil  j'embrasse et la tristesse s'atténue
Es-tu fière de moi, mon âme ?
Suis-je ton miroir ?
Rêve d'hier, rêve d'aujourd'hui, au bord du rivage flotte mon âme
Un Adieu, un port, une gare, une mer bleue et ma mémoire
Ame, vieille ou jeune, et horizons nouveaux
Découvrant ou retrouvant
A travers le temps ne changent les chevaux
Ce pays ou un autre souffle le vent
Ame de ma vie
L'abandon n'est pas dans ma valise
Ton chemin ou le mien je poursuis
Sur les souvenirs je construis et poétise
Mon âme qui es-tu ?
Me reconnais-tu ?
©SuzanneServeraRipoll
Ma Maison de la Rue Maginot

Tu n'es plus ce que tu étais, mon cœur se déchire
Via Internet j'ai parcouru ma rue
Reconnaître les maisons de nos voisins, de nos amis 
Reconnaître la maison de mon enfance, ma langueur désire
De toi j'ai tant aimé la lumière
Ces jardins fleuris, ces fruitiers et notre balançoire
Disparu à jamais est le gros mimosa
Aux nouveaux occupants tu es hospitalière
Tu es toi uniquement dans mon souvenir
Sur un pan de mur ou derrière une porte
Tu gardes secrètement un petit quelque chose de notre passé
Une caresse, un mot doux, que toi seule peut entretenir
Mais tu n'es plus ce que tu étais, ils ont changé ta personnalité
Tu as perdu le grenadier, la haie de roseaux
Le néflier sous lequel j'étudiais
Le bassin où nos visages d'enfants miroitaient
Je veux te garder dans mes rêves
Belle et élégante comme tu étais
L'escalier et la rampe de fer forgé
De loin et dans tous vents qui s'élèvent
Villa Les Vertes Feuilles tu étais, tu es un bijou
Du présent, je ne veux plus chercher à savoir
Il n'est qu'un glaive qui perce mon cœur
Dans mon sommeil tu as la beauté de l'acajou
C'est comme cela, que je veux me rappeler de toi
Le vendredi soir en famille assis sur le perron
A déguster zlabias, makroutes et beignets frits
Ce temps est loin mais dans mes rêves, il est très près de moi
Je dis Adieu Googgle, Internet et nouvelles photos
A quoi bon voir des ruines
Alors que dans ma tête tu chantes, tu danses
En musique tout au fond de moi, je fais vivre toute la Rue Maginot

©SuzanneServeraRipoll
Lumière de ma jeunesse

Lumière de ma jeunesse, tu étais un mimosa
Tom ombrage retombait sur la rampe de l'escalier
Tes pompons jaunes de mon cœur étaient l'or
Sa valeur étant l'amour que me donnaient mes parents
De ton feuillage bleuté je faisais des bouquets
De jaune perlé je décorais mes cheveux
Je te racontais des histoires et fidèle tu m'écoutais
Je devenais la princesse d'un jardin enchanté
Les fruits et les fleurs étaient les chevaliers de ma cour
Les mains du roi, mon père, faisaient tout fleurir
Et la joie de la reine, ma mère, faisait tout sourire
Ce mimosa par sa vieillesse était témoin
D'une richesse sans égale
Nous comptions chaque petit sou pour un pain
La viande du boucher sur notre table
Seulement une fois le mois
Mais volailles et lapins à profusion
Fruits et légumes les paniers pleins
Nous étions gourmands des confitures de maman
Ce mimosa géant aux branches énormes
Souriait à notre bonheur
Et dans sa lumière les années s'écoulaient
Sans faim, sans envie et sans malice
Nous partagions le labeur de mon père
Avec Ali, Ahmed,Fatima et Zora
Eux aussi avaient beaucoup d'enfants
Avec moi venaient jouer les gosses du quartier
A la peau blanche ou colorée
Sous tes rameaux fleuris
Lumière de ma jeunesse tu es inoubliable

©SuzanneServeraRipoll
L'Odeur est en moi

J'épluche des tomates bien mûres
Je coupe des poivrons bien rouges
Et je rajoute des oignons, du thym, du laurier
De l'huile d'olive comme il n'y en avait que là-bas
Il ne me manque rien pour ce plat
Croyez-moi, je fais une tchouchouka
Elle sent quoi ?
Elle sent l'Algérie, elle sent Maison Carrée
Elle sent rue Maginot, mon quartier
Elle sent la ‘Villa Les Vertes Feuilles'
Elle sent mon enfance, elle sent l'accueil
Elle sent ma mère devant le fourneau
Elle sent la famille, elle sent les amis
Elle sent bon, l'odeur est en moi
Elle sent le demi-deuil
Elle sentait si bon qu'elle attirait tous les moineaux
Dans ma tchouchouka, il manque quelque chose !
De l'ail, d'autres épices, du piment ?
Non, je le répète, il ne me manque rien pour ce plat !
Mais cette odeur qui est en moi
Je ne suis plus ici, je suis là-bas !

©SuzanneServeraRipoll
Les cyclamens de Yakouren

En colonie de vacances
Dans ce coin de la Kabylie
De mes souvenirs, douce romance
Je ne cherchais pas les pissenlits
Ils  ne servaient qu'à faire la salade
Dans la beauté de la forêt je cherchais les cyclamens
Pour moi ce travail n'était pas de la rigolade
Une, deux, non une douzaine il fallait que je ramène
Cette cueillette je réservais pour les derniers jours
D'un coup d'œil je les repérais au pied des chênes-lièges
Dans la fraîcheur et le contre-jour
Jamais lasse je répétais ce manège
Pour qu'en hiver elles gardent l'été dans mon cœur
Avec respect mon père les plantait dans son jardin
Dés les premiers boutons nous étions vainqueurs
Les allées se transformaient en Eden
Je revivais mes vacances
La montagne de Tizi Oufella et les marches journalières 
La montée du Djebel Tamgout avec impatience
Pour la mechta hospitalière
De la poterie, de la vannerie
Par les mains habiles de ces femmes sans voile
Qui nous accueillaient avec le meilleur des esprits
De la Kabylie elles étaient bien les étoiles
De là-bas est ma corbeille à pain
Et les ronds de serviette
Une toile qu'avec amour je repeins
Yakouren et les cyclamens ne tomberont jamais dans les oubliettes

©SuzanneServeraRipoll
Chante Chante mon ami

Chante Chante mon ami
Tu es d'ici
Je suis de là-bas
Je peux chanter avec toi
Mais tu ne sauras jamais mon ami
La blessure qui est en moi

Chante Chante mon ami
Ouvre tes bras à mes souvenirs
Précieux sont-ils à mon coeur
Regarde-les miroiter dans le ruisseau
Mais tu ne connaîtras jamais mon ami
Ces trésors au bout d'un pinceau

Chante Chante mon ami
Le soleil est pour nous
La lune est pour la nuit
La mer me raconte des histoires d'autrefois
Dans la profondeur du silence, mon ami
Ecoutes, écoutes si tu peux, du passé la voix

Chante Chante mon ami
Tu es d'ici ? Depuis longtemps ?
Je suis de là-bas !  Depuis toujours !
Les années sont sans pitié
Et l'amour ne meurt jamais, crois moi mon ami
D'ici ou de là-bas le cœur chaud garde l'amitié

©SuzanneServeraRipoll
                                              
             Les Lorikeets

Le disque d'or tombe derrière les cimes
La ville devient mystérieuse et sombre
Voltigeant, voltigeant paraissant jouer de l'escrime
Apportant dans le déploiement de leurs ailes
Les couleurs de l'arc-en-ciel
Sans relâche ils surgissent de la pénombre
Avec l'idée fixe de retrouver leur nid
Ils sont criards et pourtant si unis
Ils ne pensent plus aux semailles
Mais à ces arbres, le long des trottoirs et sur la place,
Qui se tiennent droits comme des gendarmes
Choir dans son nichoir, il semble, n'est que bataille
Ces oiseaux viennent pour dormir mais attention ils sont vivaces
Soudainement, voitures et piétons se trouvent sous leurs armes
Ploc, ploc ploc, ploc, ploc, ploc, ça tombe de partout
Capot, pare-brise, cheveux, épaules ou dos
Troulala, troulala, avec leurs plumes colorées, ils sont manitous
Avec désinvolture, ils nous font petits cadeaux
A nos propres dépends on apprend la leçon
Nous jurons sans l'ombre d'un soupçon
Dés le premier piaillement et avant l'éboulement 
De décamper pour éviter le châtiment

©SuzanneServeraRipoll

 Poèmes suite
Les Canards Sauvages De Springfield

Les canards sauvages clopin-clopant
Traversent la rue sans se presser
Pourquoi se presseraient-ils où il n'y a de guet-apens
L'eau est là pour les bercer
Le soleil est là pour les caresser
Malheur au chauffeur maladroit
Personne ne voudra entendre le pourquoi
A notre décor appartiennent ces petites bêtes
Le canard, la canne et les canetons
Un concert au bord de l'eau ils font parti de la fête
Trop de bruit et vite sur l'eau ils dessinent un feston
Les enfants leur jettent des croûtons
Leur plumage n'est pas trop coloré
Vert foncé, marron, gris et un peu de blanc
Le lac et alentours ils envahissent de leur talent
Leur amour filial est admiré
Le papa devant, la maman après les petits
Ce groupe charmant s'en va au ralenti
Ne s'inquiétant ni des piétons ni des voitures
Sur les gens, priorité a la nature
Le soleil au zénith ils font la sieste en groupe
Les travailleurs viennent les joindre sur le gazon
A Springfield il n'y a que de belles saisons
L'odeur des sandwiches et se réveille la troupe
Sans égal l'appétit ou la gourmandise
La croûte de pain mais le jambon ils favorisent
A Springfield il y a le lac et les bois
Des promeneurs et des amoureux de la nature
Les lézards, les oiseaux et les canards sont rois
Les gens et les bêtes savent partager la verdure

©Suzanne Servera Ripoll
Mes poèmes 3