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 Poèmes suite
Je dois dire merci

Je dois dire merci
J'ai connu l'Algérie
Un pays qui était une explosion
Flamenco, trémolo et fleur jolie
Piano, accordéon, amour qui nous lie
Montagnards, villageois et moutons
Villes chantantes, rues tortueuses
Filles, garçons et mères heureuses
Je dois dire merci 
J'ai connu l'Algérie
Une terre riche dessus, dessous
Pipe-line de gaz et huile minérale naturelle
Des renards, des poules, des hyènes et des gazelles
Un train qui s'arrêtait voyageant dans le bled
Sans respectait les horaires et suivant la lumière
Le Musulman en descendait pour faire sa prière
Je dois dire merci
J'ai connu l'Algérie
J'étais jeune, le cœur tremblant
Gitans, gitanes et feu de bois sur l'herbe
Robes longues à volants, foulards et couleur superbes
La marmite en terre, le charbon de bois dans le kanoun
Le persil arabe, le koumoun et la crème fraîche
L'eau douce et les sardines en escabèche
Je dois dire merci
J'ai connu l'Algérie
Le rouge sur les joues, le henné dans les cheveux
Un bijou en or, un autre en étain
Un, fait par le joaillier et un, par le nomade à la main
Alger, Oran, Constantine et le Hoggar
La maisonnée apeurée, les fenêtres calfeutrées
Echapper au rebelle et son idée de tuer
Je dois dire merci
J'ai connu l'Algérie
La langue Arabe, l'école française
Le drapeau tricolore, le blanc et vert, le noir et blanc
Le vent de l'amour et la rage aux dents
Les meules de foin en feu et le fermier égorgé
Les rappelés, l'armée de terre et les légionnaires
L'envie de vengeance plus forte que le tonnerre
Je dois dire merci
J'ai connu l'Algérie
Le berceau de mes origines
De mon enfance un pays de bonheur sans trêve
Vivant encore dans mon cœur et mes rêves
Mes pieds marchent sur un autre monde
Vers le Sud, le Nord, l'Est et l'Ouest, l'aube est ensoleillée
L'abeille, le miel, la femme émerveillée
Je dois dire merci
J'ai connu l'Algérie

©SuzanneServeraRipoll
Est-ce que ?

Est-ce que les anges voyagent
Est-ce que les anges vont de pays en pays
Est-ce que les anges quittent leurs nuages
Je suis à vingt quatre mille kilomètres de mon pays
Je ne peux plus visiter nos cimetières
De nos défunts nettoyer les tombes, y déposer des fleurs
M'agenouiller sur le marbre froid pour dire une prière
De ces visites un souvenir respectueux est gravé dans mon cœur

Je veux croire que les anges voyagent
Je veux croire que les anges vont de pays en pays
Je veux croire que les anges quittent leurs nuages
Pour venir me voir à vingt quatre mille kilomètres en Australie
L'existence de nos ancêtres, l'évidence de notre passé
Se retrouvent dans un regard, un sourire, un mouvement de la main
Dans ce cousin, ce fils ou ce nouveau-né
C'est cela notre héritage d'hier, d'aujourd'hui, de demain

Est-ce que les anges voyagent
Est-ce que les anges vont de pays en pays
Est-ce que les anges quittent leurs nuages
Car moi je suis toujours à vingt quatre mille kilomètres de mon pays
J'ai la chance de connaître des songes sans limites
D'une essence, d'une expérience qui m'auréole d'honneur
Que ce soit mon père, ma mère ou quelqu'un d'autre qui me visite
Ces voyagent en dehors du commun me comblent de bonheur

Pour moi à vingt quatre mille kilomètres de mon pays
Les anges voyagent
Les anges viennent aussi loin que je sois en Australie
Les anges quittent leurs nuages

©SuzanneServeraRipoll
Le Marabout

Entre Maison-Carrée et l'Oued-Smar
Dans le quartier arabe, coincé entre quatre maisons
Il y avait un Marabout, sanctuaire musulman
A sa porte d'entrée les Arabes se déchaussaient
Avec Marcelle, toutes deux par la curiosité poussées
Nous avons pénétré l'ombre du mystère
Des fils d'or portés par le soleil
Traversaient les meurtrières depuis le ciel
Un lieu saint sans images, bougies ou décorations
La Mauresques assises sur leur derrière, sans voile sur le visage
A voix basse étaient en grande conversation
Notre entrée ne ternit point le paysage
Une présence invisible se faisait sentir dans l'air
Etait-ce Dieu ou Allah 
Faisant savoir qu'il était là ?
Soudainement nous étions pieuses
Nous, qui dans l'église du Sacré Cœur de Jésus étions si rieuses
Les dévotes en chapeaux nous causaient le fou rire
Elles ressemblaient à des hiboux sans sourire
Vingt Paters et Avés ils nous fallaient réciter en punition
La sœur nous gendarmait avant de nous donner l'absolution
Mais dans ce Marabout de l'Oued-Smar
Sans compréhension de la différence de nos religions
Sans chapeaux, sans marches de marbre et sans oraison
Je pense que nous faisions honneur à notre religion
Pour Dieu est partout disait la bonne sœur avec raison

©SuzanneServera Ripoll
Les Mots

Les mots sont un appel vers ailleurs
Je les cherche, je les trouve dans mon cœur
Quelle importance ont ces mots ?
Je les dis tout bas, je les dis tout haut
Ils me guettent avec mélancolie
Ils me taquinent pour l'oubli
Ils reviennent sur mes lèvres
Ces mots, ces mots me donnent la fièvre
Si ces mots pouvaient me porter
Algérie
C'est dans tes bras qu'ils pourraient me jeter !

©SuzanneServera Ripoll
Larmes

Et les larmes remplissent mes yeux
Je croyais être béni des cieux !
Le pain que je portais à mes lèvres
Ne se faisait d'un geste mièvre
Maman me serrait dans ses bras
Papa murmurait des mots doux tout bas
Il me tenait aussi par la main
Avec amour il me guidait sur le chemin
Je voyais les larmes remplirent ses yeux
Je croyais être béni des cieux !
Il était bel homme, grand, nez affiné
Elle était petite, fine, délicate, raffinée
Ils ne savaient pas encore
Qu'à l'horizon le printemps s'arrêterait d'éclore !
Que les eaux d'El Harrach, notre rivière
Emporterait dans son remous notre foi, nos prières !
Je voyais les larmes remplirent leurs yeux
Je croyais être béni de cieux !
Sans écrit, ils me laissaient un droit, un legs du pays
A partager avec tous les amis
Avec les Arabes, les civils et les militaires
Un crachat dans nos mains, pas besoin de notaire
Nous partagions le blé et le raisin
Et en France nous envoyions le meilleur de nos vins
Et les larmes remplissent mes yeux
Je croyais être béni des cieux
Pied-noir où vis-tu aujourd'hui ?
Arabe d'Algérie où vis-tu aujourd'hui ?
Inch Allah, que le bonheur soit avec toi
Et avec toi, et avec toi !

©SuzanneServera Ripoll
Sur un coin de lune

Assise sur un coin de lune
Un brin de jasmin chatouillant mes lèvres
Du monde ayant la fortune
Et en moi l'amour d'un orfèvre
L'infini sous un dais d'étoiles
Je ne veux que la nuit finisse
Bercée par les sons imaginaires d'une chorale
Pourtant il faudra que j'abandonne cette tendre oasis
Demain, demain et encore demain
Prise dans mes tâches journalières
Grande route ou petit chemin
Fleuri ou enrubanné de lierre
Chaque bruit chaque odeur
Me ramène au berceau
Je voudrais devenir ravaudeur
De fil en aiguille et sans pinceau
Ramener à la vie les temps passés
Peut-être sur toile si j'étais Picasso
Mais pourquoi me souciais
Puisque la nuit est à moi
Et le jour avec vous je partage
Ces souvenirs sans embarras de choix
Bonjour les Anciens faisons revivre Alger et ses villages
Que ce soit à la réunion de Sarrians
Au téléphone ou par Internet
Racontons avec un œil souriant
Afin de ne rien laisser tomber dans les oubliettes
©SuzanneServera Ripoll
Pied-noir, vieilli tranquille

Il ne faut pas pleurer il faut sourire
En te laissant habiter par le passé
C'est lui qui fait ton avenir
Et te donne la force de tout recommencer
Où que tu sois dans le monde
Un coin ensoleillé ou enneigé
Ouvre les yeux et trouve ta Joconde
Pourquoi resterais-tu l'étranger
Tes ancêtres aux bottines noires
Armés seulement de volonté
Se sont trouvés devant maints miroirs
Algérie nouveau pays rien pour les gâter
Femmes et enfants attelés au travail
Serrant la main des Arabes et des Fatmas
Et faisant face à maintes batailles
Ont réussi à changer le panorama
Ta peine garde-la dans le cœur
De ton pays garde les parfums
De tes ancêtres garde l'ardeur
Honneur tu dois faire à tes défunts
Dans cette terre d'Algérie ils reposent
Leurs esprits vivent dans un monde sans limite
Pas à l'intérieur de ces tombes closes
Tout comme eux tu as changé d'orbite
Ils te suivent et font parti de tes souvenirs
Tout comme les vagues ourlées de blanc dans la baie d'Alger
Parle parle parle du passé sans blêmir
Fait revivre les vergers et les orangers
Sent dans le vent l'odeur des épices et du couscous
Laisse-toi bercer par ces chansons à la résonance espagnole 
Et laisse couler la larme pour ces moments qui t'on donné la frousse
Le passé n'est pas une nostalgie qui te désole
Un passé riche que beaucoup envie
Sans l'Algérie qui serais-tu aujourd'hui
Aux passions du pays reste asservie
Pour ne pas être une pauvre âme perdue dans la nuit
Pied-noir,  vieilli tranquille
Ni sourd ni muet sois
Rêve à la lueur de la flamme qui vacille
Laisse verdoyer en toi ton autrefois

©Suzanne Servera Ripoll
Mes poèmes 4